dimanche 22 septembre 2013

La vague

J'ai fait mon sac, je n'ai rien oublié. Même pas la pièce d'un euro pour le casier. Un vieux réflexe.

J'entre pour la première fois dans cette toute nouvelle piscine, à deux pas de chez moi. Ça fait quelques semaines que j'essaye d'ancrer cette idée dans ma tête et de repousser mes craintes absurdes. Immédiatement, je retrouve cette odeur familière de chlore et l'ambiance tropicale qui enroule mes cheveux dès l'entrée du vestiaire mixte. Je retire mes chaussures, remonte mon pantalon et traverse le pédiluve du bout des orteils. Je choisis un casier au hasard. Le 168. C'est là que je me félicite intérieurement d'avoir pensé à la fameuse pièce. J'ouvre mon sac, pose bonnet, lunettes et serviette sur la porte du casier.

Je me revois faire tous ces gestes dans ma "piscine natale". Je les fais encore tous dans le même ordre. Je suis une fille organisée. Je vois la gamine flippée de 8 ans, la collégienne complexée de 12 ans mais aussi la jeune femme de 18 ans aux gestes habitués et efficaces.

7 ans plus tard, je retire mon sweat à capuche, mon pantalon, et mon tee-shirt. J'avais déjà mis mon maillot chez moi. Je fourre le tout dans mon sac et j'attache la serviette autour de ma taille. Je renverse la tête en avant, rassemble mon fouillis de cheveux pour les enrouler et les presser contre mon crâne pour enfiler mon bonnet de la nuque jusqu'au front. J'ai toujours eu l'impression de perdre ma féminité précisément à ce moment-là. Je jette un œil dans le miroir, j'ajuste les lunettes sur mon front, une partie de l'attache au dessus du chignon, l'autre en dessous. Mes yeux s'étirent un peu. Je vois la petite fille que j'étais, sans maquillage, mais aux formes déjà installées.

Je ferme le casier, attache la clef à mon petit poignet. Trop petit poignet pour ce bracelet immense. Je l'enroule plusieurs fois.

La douche est brûlante, j'y reste quelques secondes puis traverse un second pédiluve. Il est 9h du matin, on est dimanche et il n'y a pas grande monde. Pour autant, je ne suis pas tout à fait rassurée. Ça vous étonne ? Je m'assois sur les gradins, dénoue ma serviette et je rentre vite dans l'eau dans un plongeon timide mais assuré. La température de l'eau est parfaite. Trois lignes d'eau sont réservées aux nageurs, l'une est totalement libre.

Je commence par me tester doucement, en brasse. Je retrouve cette sensation délicate et légère de mon corps qui glisse dans l'eau. Mes réflexes sont bel et bien encore là, encore ancrés après toutes ces années. La position des bras, des jambes, le gainage du ventre, les virages, les coulées. Surveiller l'échelle pour anticiper le virage en dos. C'est l'endurance qui cruellement me fait défaut. Je m’essouffle très vite alors je me concentre sur ma respiration, je m'écoute.

Je nage 1h30, tranquillement, sans me faire mal. Je suis bien, c'est mon élément.

La piscine commence à trop se peupler à mon goût et ça devient compliquer de nager à 8 sur 25m, surtout quand les styles, les âges et les vitesses sont dépareillés. Je décide d'arrêter là, je ralentis, je fais 50m en nageant le plus possible sous l'eau et j'ondule jusqu'au plot. J'hésite à sortir directement par là. Plus jeune, notre entraîneur nous forçait à nous faire les bras en nous hissant de l'eau par le muret qui se trouve en bout de ligne. Je préfère assurer mes arrières et me réserve ça pour plus tard. Je ne suis plus très sûre d'en être encore capable. Je rejoins le bord et grimpe l'échelle.

Je noue ma serviette et retrouve la douche. Je tire mon bonnet, il aspire mes cheveux. Je me rince. Je me laverai chez moi. Je me lavais toujours chez moi. Rapidement, je me rhabille, me brosse les cheveux en arrière et enfile la capuche de mon sweat. Je dis au revoir à la dame et je file.

Je passe mon après-midi cassée en deux sur mon canapé. Ce sont mes hanches qui se souviennent le plus de mes longueurs. Demain, ce sera sûrement tout le reste. Je me suis fait mal mais qu'est-ce c'était bien...

J'y retournerai, librement, ou encadrée une fois par une semaine. J'étais bien, tout était familier. Comme s'il n'y avait jamais eu de pause. Comme si je n'avais jamais connu que ça.

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